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Un bon bagage pour un grand portefeuille

Publié le 30 Juin 2013 par Philippe Roseren in Politique

Un bon bagage pour un grand portefeuille

 

Apparemment las d’un système qui ne lui permettait pas de mener à bien les réformes qu’il souhaitait conduire, Jeannot Krecké, ministre sortant de l’Economie et du Commerce extérieur, vient de passer la main à son bras droit issu de la même formation politique, Etienne Schneider. C’est un homme très décontracté que nous avons découvert qui nous a présenté les principaux axes de son programme. Interview.

 

Certes, vous avez été le seul candidat en lice pour succéder à l’actuel ministre de l’Economie et du Commerce extérieur Jeannot Krecké, mais vous avez néanmoins été élu quasiment à l’unanimité par vos pairs du LSAP pour lui succéder. Comment expliquez-vous pareil engouement?

Le ministre sortant, Jeannot Krecké, avait suggéré au directoire du parti de le remplacer par quelqu’un qui connaît bien les dossiers en cours pour les deux ans et demi qu’il reste du mandat, d’autant que le pays connaît une crise sans précédant.

En tant que président du groupe parlementaire pendant huit ans et surtout directeur général du ministère de l’Economie et du Commerce extérieur depuis sept ans, la plupart des membres du parti me connaissent bien, et j’ai acquis un bagage qui devrait me permettre de bien gérer ce ministère qui a pris une place prépondérante en ces temps de crise.

 

Vous avez récemment déclaré dans la presse qu’il y a de légères différences de vues entre Monsieur Krecké et vous-même, et que vous êtes plus optimiste que lui. Pouvez-vous développer?

Prenons l’exemple de l’indexation automatique des salaires. Je suis d’avis que cette indexation est essentielle car elle nous garantit la paix sociale même si je suis d’accord avec Jeannot Krecké qu’il faut la limiter à une tranche par an, du moins durant les trois années à venir.

Lui a toujours remis cette indexation en question et cherché à la réformer au-delà de ce qui a été décidé.

Le ministre sortant met toujours l’accent sur les points négatifs. Pour lui, le verre est toujours à moitié vide tandis que pour moi il est à moitié plein. Après un mandat et demi à la tête de ce ministère, il semblerait qu’il ne croit plus en la volonté du gouvernement d’appliquer les réformes qu’il estime nécessaires et déplorerait le manque de moyens décisionnels auquel il avait à faire face.

 

Pour revenir sur l’épineuse question de l’indexation. Risque-t-on à terme l’abrogation pure et simple du système? Ne peut-on pas plutôt simplement envisager le maintien de l’indexation sur les salaires les plus bas dans un objectif de cohésion sociale, précisément?

Difficile de dire si l’on va un jour abolir l’indexation. Cela dépendra du gouvernement en place. Ce que je sais, c’est qu’un gouvernement composé de la fraction LSAP ne l’acceptera pas. Toujours est-il que si je persiste et signe sur cette problématique, c’est parce que pour la résoudre, il faudrait endiguer l’augmentation des prix des logements. Et non seulement nous n’arrivons pas à les baisser, nous n’arrivons même pas à les stabiliser. Les gens devront ainsi pouvoir compter sur l’indexation pour compenser les hausses.

 

Quelles seront les priorités pour les deux ans et demi de votre mandat?

Les priorités sont de sortir de la crise. Pour cela, il y a plusieurs pistes de réflexion.

Il y a tout d’abord le volet européen. Il faut voir si nous avons la volonté de donner un «Level playing field» (1) à toutes les industries en Europe, c’est-à-dire donner les mêmes chances à l’industrie européenne qu’à tous ses concurrents au-delà des frontières européennes. Avec la globalisation, les industries européennes sont confrontées à des producteurs, essentiellement dans les pays en voie de développement, qui produisent à moindre coût, ne respectant aucune norme, que ce soit en matière sociétale ou environnementale, et constituant dès lors une concurrence déloyale. Je militerai donc pour une labellisation européenne qui obligerait ces pays exportateurs à respecter un minimum de normes.

En deuxième lieu, les missions économiques que nous effectuons à l’étranger afin de promouvoir la place luxembourgeoise mais également pour aider les sociétés luxembourgeoises à trouver de nouveaux marchés à l’étranger occuperont une place importante.

 

Quels sont les gros chantiers au niveau national?

Au niveau national, nous avons à améliorer les infrastructures. Je pense là au plan sectoriel zone d’activité économique qui est en phase de décision et que j’aimerais soumettre au législateur avant l’été, un outil extrêmement important pour implanter de nouvelles sociétés dans le pays, aux interconnexions électriques et de gaz avec la Belgique et la France et l’amélioration des capacités de stockage.

Il est aussi capital de développer au Grand-Duché les nouveaux secteurs de services à haute technologie tels que la logistique, les TIC, les éco-technologies qui nous amènerons à trouver de nouveaux débouchés économiques, un sujet sur lequel nous avons déjà bien avancé.

La nouvelle législation sur la propriété intellectuelle est très prometteuse ; elle permettra aux entreprises de déposer tout ce qui a trait à la propriété intellectuelle au Luxembourg, et il nous revient désormais de développer le secteur.

Au chapitre des énergies renouvelables, nous comptons doubler la quote-part d’ici la fin de la législature. Toujours dans le domaine de l’environnement, nous devons concentrer nos efforts dans la performance énergétique des bâtiments qui constitue à la fois un véritable vivier d’emplois, et permet de diminuer nos émissions de CO2.

 

Vous avez également affirmé vouloir vous recentrer sur l’Europe quant à la recherche d’investisseurs, pour délaisser quelque peu les déplacements à l’autre bout du monde. Hors l’Europe traverse une crise majeure, et des Etats comme le Quatar, par exemple, ont pourtant massivement investi au Luxembourg…

Nous devons certes garder les liens avec les pays extra-européens mais nous recentrer sur l’Union où il reste à mon sens du potentiel à ce sujet.

Personnellement, j’ai toujours un petit souci de culture d’entreprise avec le «reste du monde» qui cherche toujours à nous imposer la leur, avec à la clef des risques de clashs majeurs.

Quant aux Qatari, que vous citez, je me félicite qu’ils aient investi dans deux grosses sociétés à un moment difficile pour le Luxembourg.

 

(1) "Level playing field" désigne un environnement dans lequel toutes les entreprises d'un marché donné doivent suivre les mêmes règles, et ont les mêmes capacités à être compétitives.[

PhR

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